Le 7 juin 2023, la Cour de cassation a censuré l’interprétation de l’URSSAF qui restreignait la dispense d’adhésion de mutuelle/prévoyance du salarié couvert en tant qu’ayant droit, en exigeant que le régime en cause (du conjoint ou parent) prévoit une couverture des ayants droit à titre obligatoire. Pour la Cour de cassation, le Code de la sécurité sociale n’impose pas de justification du caractère obligatoire du régime de l’ayant droit. Autrement dit, la couverture assurée par l’ayant droit peut être facultative tant que le salarié est en mesure de démontrer qu’il en bénéficie.
Prenant acte de cette décision, le Bulletin Officiel de la Sécurité Sociale (BOSS) a fait l’objet d’une mise à jour qui établit une distinction entre la dispense d’ordre public et la dispense facultative, obéissant à des règles distinctes. Nous avons interrogé la Direction de la Sécurité Sociale (DSS) pour obtenir des précisions sur ces deux régimes.
La dispense d’ordre public à l’embauche
La dispense d’ordre public vise celle qui peut être demandée à l’embauche ou à la mise en place des garanties, uniquement pour les garanties de frais de santé (mutuelle) au titre de l’article D. 911-2 du Code de la sécurité sociale. Elle s’impose à l’employeur.
La DSS confirme que le nouveau cas de dispense visé ci-avant est immédiatement applicable aux nouveaux embauchés, y compris si le régime de l’ayant droit n’est pas obligatoire.
La dispense facultative en cours de contrat
La dispense facultative désigne celle afférente à toutes les garanties (frais de santé et prévoyance) invocables en cours de contrat par les salariés en poste. Le nouveau cas de dispense des ayants droit couverts par un régime même non obligatoire est applicable à tous les salariés, sauf si l’acte de mise en place (accord de branche ou d’entreprise, DUE) du régime de l’entreprise des salariés ne le prévoit pas ou impose une couverture des ayants droit à titre obligatoire.
Ainsi, la DSS confirme que la dispense d’ordre public et la dispense facultative diffèrent par :
- leur champ : la première ne couvre que les frais de santé, la seconde toute la protection sociale complémentaire ;
- le moment où elles peuvent être sollicitées : la dispense d’ordre public uniquement lors de l’embauche ou de la mise en place des garanties (art D. 911-5 CSS) tandis que la dispense facultative à tout moment ;
- leur mise en œuvre : la dispense facultative doit être explicitement prévue par l’acte de mise en place du régime alors que la dispense d’ordre public peut être mobilisée quelles que soient les mentions de l’acte.
Il en résulte que si l’acte de mise en place du régime limite la faculté de dispense aux seuls ayants droit couverts à titre obligatoire par le régime d’accueil, les dispenses facultative et obligatoire ne doivent pas être traitées de la même façon. Du fait de cette distinction, peuvent donc potentiellement coexister deux régimes de dispense très difficiles à maîtriser pour les employeurs et à comprendre pour les salariés.
Or, de nombreuses conventions collectives de branche n’ont pas été mises à jour et continuent à prévoir une dispense limitée à la couverture obligatoire prévue par le régime de l’ayant droit (les branches s’étaient mises en conformité avec l’interprétation antérieure de l’URSSAF).
Dans ce cas, si l’entreprise a mis en place un régime de mutuelle fondé sur la convention collective, la « nouvelle » dispense n’est pas permise pour les salariés en poste en ce qu’elle n’est pas conforme à l’accord de branche. Si la dispense est néanmoins appliquée, elle entraîne un risque de redressement URSSAF sur les cotisations non réglées pour ces salariés.
Pour éviter ce risque, en attendant la mise à jour des conventions collectives, une réflexion autour de l’harmonisation des régimes de dispense peut être engagée au niveau de l’entreprise pour permettre une unification et une simplification des règles.
L’unification du régime de dispense par accord d’entreprise ou DUE
Les employeurs ont tout intérêt à uniformiser le régime des dispenses en alignant les conditions de la dispense facultative avec celles de la dispense obligatoire. Se pose la question de savoir si cet élargissement de la dispense facultative est conforme à l’articulation des normes en droit du travail puisque la loi prévoit, en matière de garanties collectives complémentaires, que les stipulations de la convention de branche prévalent sur l’accord d’entreprise, sauf lorsque l’accord d’entreprise assure des garanties au moins équivalentes (ou plus favorables).
L’élargissement de la dispense facultative ouvre un nouveau choix au salarié, qui lui sera plus favorable si le régime de son conjoint est plus avantageux. Ainsi, à notre sens, les employeurs ont la possibilité de prévoir par accord d’entreprise ou par DUE une dispense pour tous les salariés, y compris ceux en poste (dispense facultative), puisque ce régime serait plus favorable que celui de la branche. Cette analyse est partagée par la DSS : « Dans la mesure où la dispense n’est mobilisable qu’à la demande du salarié, il est fort vraisemblable qu’un juge considèrerait que la décision unilatérale […] serait plus favorable au salarié, mais à notre connaissance aucune décision ne confirme cette analyse ». Même si le BOSS se montre prudent en l’absence de jurisprudence sur le sujet, il fournit une indication précieuse quant à l’interprétation des inspecteurs en cas de contrôle URSSAF : il semble peu probable qu’un redressement soit encouru si l’entreprise décide d’étendre par un acte explicite la faculté de dispense à tous les salariés en poste couverts par un ayant droit à titre facultatif.
Nous sommes à votre disposition pour tout complément d’information ou pour vous accompagner dans la mise en place d’un accord ou d’une DUE.